[Le livre] La Révolution par les cartes

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Pour faciliter l’immersion dans l’époque révolutionnaire, nous avons décidé de présenter, pour chacune des cartes, un petit texte sur l’histoire de ces valeurs républicaines.

Les textes présentés ici ont été écrits par mes soins et sont assez peu détaillés. Ils sont une interprétation personnelle de chaque carte. Si vous souhaitez approfondir, vous pourrez bientôt vous procurer le livret accompagnant le jeu de cartes, écrit par Hugo Rousselle, qui rentre dans le détail de l’histoire révolutionnaire à travers chaque principe.

Dans ce livret, vous trouverez également des chants révolutionnaires, et des règles de jeux de l’époque, reconstituées par Philippe Lalanne pour son site « L’Académie des jeux oubliés » : https://salondesjeux.fr/index.htm#cartes
Je le remercie encore chaleureusement d’avoir accepté que nous reproduisions son travail dans le livret.

Génie de la Guerre

« La guerre est actuellement un bienfait national »
Jacques-Pierre Brissot

« Tenant d’une main un glaive passé dans une couronne civique, de l’autre un bouclier orné d’un foudre et d’une couronne de lauriers, et sur lequel on lit : POUR LA REPUBLIQUE FRANCAISE. Il est assis sur un affût de mortier, symbole de la constance militaire ; sur le côté est écrit FORCE, que représente la peau de lion qui lui sert de coiffure »

Cette carte peut surprendre. La guerre serait-elle une valeur républicaine parmi les autres ?

Dès 1789, le thème de la guerre est lié à celui de la Révolution. Les monarchies alentours considèrent avec méfiance voire avec une franche hostilité la séquence 1789-1792. Les émigrés français réfugiés à l’étranger commencent à préparer l’écrasement militaire de la Révolution dès l’été 89. Les députés, dont les destins individuels sont liés à celui de la Révolution, ont connaissance du danger extérieur et de la nécessité d’abriter la Constitution naissante derrière des forces armées. L’établissement de la garde nationale ou la création des sections parisiennes sont des marqueurs de cette volonté d’ériger des barrières protectrices autour de l’Assemblée.

Lors de l’Assemblée législative, la guerre est au centre des débats. Les brissotins (futurs Girondins) la défendent comme une nécessité pour forger le nouveau régime. C’est l’épreuve de force régénératrice, le socle sur laquelle se bâtira la nation – mot nouveau et omniprésent sous la Révolution, voué au succès qu’on lui connait. La guerre sera aussi un moyen pour libérer les peuples voisins et constituer un glacis de régimes alliés, fondés sur une solidarité des peuples. L’argument de la guerre préventive fait également mouche : ce ne sont pas de véritables guerres d’agression mais plutôt des guerres de défense en prévention d’une invasion future. Concept qui trouvera lui aussi une certaine postérité.

Les députés les plus conservateurs ainsi que la famille royale l’attendent également, quoi que pour des raisons différentes. Estimant la France mal préparée, affaiblie par les désertions et le manque de cadres militaires, ils comptent sur une défaite rapide qui permettrait un rétablissement complet du roi dans ses fonctions, appuyé par les monarchies coalisées avec lesquelles il a parti liée (ce qui est encore un secret en 1791).

Enfin, les députés les plus à gauche, ceux qui deviendront les Montagnards, dénoncent la guerre au nom des idéaux des Lumières et d’un pragmatisme politique. Ils considèrent les guerres d’agression comme immorales par nature. « Personne n’aime les missionnaires armés » dit Robespierre, suspicieux quant au projet de forcer d’autres peuples à se libérer sans qu’ils se soient eux-mêmes soulevés.

Le 20 avril 1792, la France déclare la guerre à l’Autriche. Les brissotins et les monarchistes ont gagné cette partie. Lorsque survient la chute de la monarchie le 10 aout de la même année, puis la proclamation de la République le 21 septembre, la première République française hérite de ce conflit ainsi que des déclarations des autres pays qui formeront bientôt la Première Coalition contre la France. La guerre est partout, tout le temps. Elle est au cœur des grands discours révolutionnaires ayant traversé l’histoire comme celui de Danton appelant à la levée en masse « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace et la patrie est sauvée ». La République française se vit comme une citadelle assiégée, aux prises avec les ennemis de l’extérieur (Autriche, Espagne, Portugal…) et de l’intérieur (Vendée, traitres à la Convention, traitres dans le commandement militaire…).

La guerre est une impasse. La défaite serait mortelle pour la France, mais la victoire mortelle pour la Révolution. Les députés, tous pétris d’histoire romaine, guettent nerveusement l’émergence d’un nouveau César qui étranglera la République. Tous les maréchaux et généraux sont mis sous surveillance.

Le vocabulaire se militarise, la paranoïa s’enracine, la révolution rentre dans une fièvre de la force. Il faut « vaincre ou mourir ». La devise républicaine « Liberté, égalité, fraternité » est complétée : « Ou la mort ». La notion de citoyenneté devient indissociable de la notion d’arme. Le citoyen doit être armé et ne peut être armé que le citoyen. Il est par exemple frappant que la société des républicaines révolutionnaires demande que les femmes soient armées parmi leurs revendications principales.

Comment comprendre cette carte ? Elle est à la fois le reflet de son époque, un moment où la guerre est dans tous les esprits, où elle touche toutes les familles, à la fois l’incarnation d’un idéal du citoyen en armes, prompt à défendre la liberté, à la fois l’exaltation de la force et de l’intelligence (sens plus contemporain du mot génie) nécessaire à la défense de la République.

A titre personnel, je ne lis pas dans cette carte une exaltation des valeurs guerrières et de la violence. J’y trouve plutôt l’idée qu’une certaine force est nécessaire pour imposer la liberté – force est d’ailleurs le mot mis en valeur sur la carte. Même si ce n’est pas ma carte préférée, je trouve qu’elle donne matière à réfléchir sur notre rapport à la violence. Elle questionne mon rapport au port d’armes (auquel je suis farouchement hostile), à la violence révolutionnaire (est-elle une nécessité ?)

Génie de la Paix

« Le gouvernement sera révolutionnaire jusqu’à la paix »
Saint-Just

« Assis sur un siège antique, il tient d’une main le rouleau des lois, et de l’autre un faisceau du baguettes liées, signe de la concorde, et sur lequel on lit UNION. La corne d’abondance placée près de lui, le soc de charrue, et l’olivier qu’il porte à sa main droite, montrent son influence et justifient le mot PROSPERITE placé à côté de lui. »

Plus facile à saisir que son double « Génie de la guerre », on saisit intuitivement l’importance de l’aspiration à la paix dans l’idéal révolutionnaire. C’est le but final. Toujours guidés par les Lumières, les révolutionnaires ont en tête un horizon dont la guerre est évacuée comme l’acte déraisonnable entre tous, générateur de tant de souffrances.

Lors des débats à l’Assemblée, dans un contexte d’hostilité anglo-hispanique où la France est partie prenante aux côtés de l’Espagne, les députés doivent se prononcer sur la capacité du roi à déclarer la guerre ou la paix. Après quelques jours de débat, l’Assemblée se réserve ces prérogatives. C’est le décret du 22 mai 1790, dont l’article 4 est connu comme étant une déclaration de paix au monde : « la nation française renonce à entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes, et qu’elle n’emploiera jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple ».

La France renonce formellement aux guerres d’agression. Bien sûr, cette déclaration de principe n’est pas une barrière suffisante face aux appétits de conquête et d’enrichissement guerrier. Très vite l’idée de guerre défensive ou préventive est mise en avant pour justifier les guerres à venir. Certains comme Robespierre tentent de trouver d’autres voies, de sortir de ces scénarios où la guerre est telle une évidence. Se pose alors la question du rapport de force : comment surmonter l’« une des plus formidables conjurations qui aient été formées contre le salut d’un grand peuple, venant se briser contre une puissance pacifique » ? Est-il possible de faire survivre la Révolution et la souveraineté française sans résister par la force aux puissances extérieures ? C’est le dilemme rappelé par Marc Belissa : « Comment construire une force publique qui protège sans qu’elle devienne un fléau pour sa propre liberté et celle des autres peuples ? »

La solution proposée est celle de la constitution d’un peuple en arme, le renversement qui fait du soldat-citoyen un citoyen-soldat. Les citoyens en armes enverraient un signal à toute l’Europe de force et de capacité de résistance pour défendre l’ordre politique institué par la Révolution, mais sans former la menace d’une armée de métier en capacité de se projeter hors du territoire français.

Génie du Commerce

« La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. »
Dernier article de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, présent dans le préambule de la constitution de la Vème République

Une autre carte qui peut surprendre au premier abord. En pleine domination sans-culotte, mettre en avant l’enrichissement par le commerce parait audacieux !

« Il réunit dans ses mains la bourse, le caducée et l’olivier, attributs de Mercure. Sa chaussure désigne son infatigable activité et sa figure pensive annonce ses profondes spéculations. Il est assis sur un ballot et le portefeuille, les papiers et le livre qui sont à ses pieds, prouvent que la confiance et la fidélité sont les premières bases du commerce, comme les échanges en sont les moyens, ainsi que l’ordre en fait la sûreté. »

Cette carte est héritière d’une valeur cardinale de la Révolution, le libéralisme. A notre époque, le terme a changé de sens. Exit le libéralisme philosophique, ne reste que le libéralisme économique, garantissant le fonctionnement sans entraves des marchés.

Les deux sont bien sûr liés depuis le début de cette école de pensée. Cependant, le sens n’en est pas le même et la question du fonctionnement du marché n’est pas posée de la même façon. La gauche n’a pas encore caractérisé toutes les spécificités du marché, tous les rouages de la domination de la classe bourgeoise sur la classe prolétaire. Les mots existent et circulent, mais beaucoup de penseurs et de politiques de l’époque ne pensent pas en termes d’antagonismes de classe. En 1871 à l’aube de la Commune de Paris, Vallès parle encore de la « bourgeoisie ouvrière, honnête et vaillante ».

La frontière entre les montagnards et les girondins sur ce point semble parfois plus être affaire d’intensité que de nature. Les deux factions partagent l’idée que la propriété est un bien. Les premiers appellent cependant à une modération dans sa concentration, avec un idéal rousseauiste dans lequel chacun serait propriétaire de son lopin de terre, alors que les seconds s’accommodent de la répartition existante et refusent toute idée d’atteinte à ce droit. Pour Robespierre, la « propriété doit trouver des limites », alors qu’elle est consacrée dans la déclaration des droits de l’homme en son dernier article comme « inviolable et sacrée ».

Mais aucun député n’est « communisant » ou collectiviste. Même les décrets de Ventôse, finalement modestes dans leur principe et encore plus dans leur application, ne sont pas pour le comité de salut public une collectivisation, tout au plus un transfert de propriété. Les idées de collectivisation ou d’abolition de la propriété ne sont utilisées que comme des anathèmes infâmants, et les montagnards s’en défendent avec véhémence.

Cette carte incarne donc cette idée centrale au cœur du système de pensée libéral : c’est en cassant les entraves au commerce que viendra la prospérité. L’Ancien régime et ses barrières à l’entrée, ses taxes, ses corporations ne faisait qu’empêcher les citoyens de libérer leurs énergies, de créer et de s’enrichir à l’envie. La plus profonde radicalité politique, sur les religions, l’égalité des sexes, des rangs, des couleurs, ne s’attaque pas à la propriété. L’homme idéal de la Révolution est l’honnête travailleur, l’artisan sans-culotte, le citoyen en armes, propriétaire prêt à défendre son bien et à le faire prospérer.

L’image frappe en contraste avec l’idéal-type de l’insurgé que nous connaitrons par après, l’ouvrier socialiste ou communiste aspirant au partage et à la collectivisation. Mais il est passionnant de voir comment la Révolution française apprend en marchant. De la constitution bourgeoise de 1791 à celle de 1793, la plus sociale jamais écrite, la Révolution ne recule pas devant les problèmes. Elle montre jusqu’où les idéaux peuvent nous porter. Pour le dire de façon caricaturale, Robespierre aime la propriété mais pas au point que ses concitoyens meurent de faim. Il aime la libre circulation des marchandises, mais n’hésite pas à faire promulguer la condamnation à mort de tous les accapareurs de blé.

Qui sait où la Révolution aurait amené tous ces acteurs honnêtes et pétris de principe ? En quelques années ils avaient déjà tant changé. Quelques années après la chute de la Montagne, Babeuf fomentera le premier projet proto-communiste, pensé comme un prolongement de l’application de la constitution de 1793 de Robespierre, et parlera de « supprimer la propriété particulière ». Qu’auraient-ils fait du libéralisme ? Nous ne l’apprendrons jamais. Cette carte incarne ce bel et fragile idéal du libéralisme raisonné, mené en bonne intelligence et entre acteurs égaux, auquel adhèrent encore aujourd’hui de nombreux citoyens du centre et de la droite.

Génie des Arts

« Car ils font métier de la peinture ; quant à moi, le métier, je le méprise comme la boue. »
Jacques-Louis David

Une carte simple que le brevet d’invention décrit en quelques mots lapidaires :
« D’une main, il tient la lyre et le plectum ; de l’autre, l’Apollon du belvédère ; assis sur un cube chargé d’hiéroglyphes, il est environné des instruments ou des produits des arts, et le laurier accompagne sur sa tête le bonnet de la Liberté : près de lui on lit GOUT. »

D’un point de vue historique, cette carte est intéressante car elle rappelle l’omniprésence des références à l’Antiquité grecque et romaine sous la Révolution, tant artistiques que philosophiques et politiques.

Surtout, cette carte souligne que la Révolution est aussi une époque préoccupée de beauté. Dans l’imaginaire contemporain, on a beaucoup d’images liées à la violence lorsqu’on évoque la Révolution. La Terreur, la guerre de Vendée, la guillotine… On imagine un ciel toujours gris planant au-dessus d’un peuple transi d’angoisse. On pense peu à tout ce qu’elle a apporté de joie, à toutes ses fêtes populaires, à l’espérance qu’elle a semée. Et on a tort !

La Révolution est pour beaucoup le chemin vers le bonheur, ce qui le rend possible. « Le bonheur est une idée neuve en Europe » comme le dit Saint-Just. L’art révolutionnaire porte cela. Il renoue avec la simplicité, avec la nature, avec un art moral aussi, un art utile et pédagogique qui portent les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.

Je me suis demandé pourquoi les auteurs avaient choisi de mettre en avant les arts plutôt que les sciences. Après tout, la Révolution est plus souvent associée au progrès scientifique (instauration du mètre, développement des statistiques, de la chimie, création de Polytechnique et de l’ENS etc.). L’idée leur a forcément traversé l’esprit.

Ils ont choisi de parler d’art plutôt que de raison, à un moment où tout le monde n’a que la raison à la bouche. Peut-être une façon de dire que l’art aussi, comme la raison, relie les êtres humains fraternellement ? Tout comme le jeu, dont ces cartes sont un instrument. Interprétation très personnelle.

En tout cas, cette carte rappelle que la Révolution n’est pas que combat, politique et rationalité. Elle est aussi un moment de beauté et de fraternité.

Liberté des cultes

« Messieurs, ce n’est pas même la tolérance que je réclame, c’est la liberté. La tolérance, le support, le pardon, la clémence, idées souverainement injustes envers les dissidents, tant qu’il sera vrai que la différence de religion n’est pas un crime. »
Rabaut Saint-Etienne

Contre la tolérance, pour la liberté. La République ne consent pas à des faveurs de justice, comme le monarque consentait à mettre fin à un abus. Elle impose une saine égalité entre tous, justifiée par la raison et non par un accès de bonté.

Lorsque survient la Révolution, l’église est une force politique colossale. Une vaste partie des députés se retrouve autour de la détestation du catholicisme. Si la bourgeoisie révolutionnaire est en tendance antireligieuse, le peuple est plus divisé. Le bas clergé conserve une certaine popularité. On trouve des prêtres rouges dans les factions les plus radicales de la Révolution, aux côtés des sans-culottes.

A travers les débats et les lois, on voit émerger les débuts du concept de laïcité, avec une forme de mise sous tutelle du catholicisme. Les biens du clergé sont nationalisés et les prêtres fonctionnarisés (je me permets quelques anachronismes langagiers). Les discriminations à l’encontre des juifs et des protestants sont abolies et la liberté de culte proclamée.

Cette carte synthétise l’esprit des lois révolutionnaires :

« Le Thalmud, le Coran, l’Evangile simbole[1] des trois plus célèbres religions, sont réunis par elle. L’on voit s’élever dans le fond le palmier du désert; on lit de l’autre côté Fraternité. »

On peut s’amuser de la disposition choisie, où l’Evangile est à moitié visible, à côté du Talmud et du Coran. Les auteurs semblaient vouloir appuyer cette idée : peu importe la croyance, le nombre de pratiquants sur le territoire ou la puissance politique, les religions seront considérées de la même façon par la République.

Chacun saura apprécier la pertinence de ce principe 230 ans plus tard.


[1] Orthographe d’origine

Liberté de mariage

« Qu’ils nous divinisent moins et nous laissent libres ! »
Lucile Desmoulins

Durant les prochains jours, je présenterai les Génies, Libertés et Egalités qui remplacent les rois, dames et valets. Pour commencer, j’ai choisi l’une de mes préférées : La liberté de mariage

« Si le mot DIVORCE est écrit sur l’enseigne qu’elle tient à la main ; c’est comme une amulette bienfaisante, qui doit rappeler sans cesse, aux époux, qu’il faut que leur fidélité soit mutuelle pour être durable »

Selon moi, la carte va plus loin. La pose détendue avec la pancarte « DIVORCE » tenue négligemment, l’attitude qui évoque l’aisance et le pouvoir. Dotées d’un nouvel outil, les femmes peuvent briser le joug du mariage lorsque cela s’impose.

Bien sûr la réalité historique est plus nuancée. Certains historiens affirment que les droits des femmes ont régressé sous la Révolution et en particulier sous la Convention montagnarde. On pense à l’interdiction des clubs féminins par exemple ou aux grandes figures féminines qui furent condamnées. Le divorce lui-même a été un outil à double tranchant sous la Révolution, servant aux époux à rejeter une femme qui ne leur donnait plus satisfaction et qui se retrouvait alors vulnérable.

Mais en restant au plan symbolique, on a là un bon exemple de principe révolutionnaire : une liberté de plus, qui est un pas vers une égalité (entre les femmes et les hommes). Ces cartes représentent davantage des idéaux qu’une réalité historique. Bien que nous ayons peu d’éléments sur les auteurs de ces cartes et leurs convictions politiques, je trouve que leurs choix reflètent une conscience profonde des inégalités et des injustices dans le pays, souvent plus avancée que le consensus de l’époque.

Liberté des professions

à venir…

Liberté de la presse

à venir…

Egalité des devoirs

à venir…

Egalité des droits

à venir…

Egalité des couleurs

« Périssent nos colonies plutôt qu’un principe ! »
Robespierre

Par cette phrase, l’Incorruptible en appelle à la logique et à la morale : si les colonies impliquent l’esclavage, alors la Révolution doit renoncer aux colonies.

C’est une autre de mes cartes préférées. Voici ce qu’en dit le brevet d’invention :

« Débarrassé de ses fers, il foule aux pieds un joug brisé ; assis sur une balle de café, il semble jouir du plaisir nouveau d’être libre et d’être armé : d’un côté l’on voit un camp, de l’autre quelques cannes à sucre ; et le mot COURAGE venge enfin l’Homme de Couleur de l’injuste mépris de ses oppresseurs »

Cette carte représente un principe au cœur de violents débats à l’Assemblée durant la Révolution. Il y a dans ses rangs ce qu’on pourrait appeler un lobby colonial qui défend ses intérêts bec et ongle, et pour qui l’esclavage relève de la liberté de commerce. Malgré toutes les contorsions imaginées, l’évidence des principes s’impose : impossible d’être propriétaire de quelqu’un. Cette vérité enrage les colonialistes. Mais la bataille des idées et des mots, déjà farouche, s’efface devant la réalité.

La révolution haïtienne : Saint-Domingue se soulève, les esclaves se libèrent eux-mêmes. L’ordre colonial est renversé. Les deux conventionnels venus faire appliquer les lois de la République depuis la métropole se retrouvent face à une situation inédite et doivent improviser. Pour des raisons peut-être aussi stratégiques que morales, ils prennent le parti des insurgés. L’esclavage, aboli de fait, le sera aussi de droit. La nation française proclame la fin de l’esclavage.

J’aime cette carte car elle ne trahit pas cette histoire. Elle rend hommage au courage de ceux qui se sont libérés eux-mêmes par les armes, avec cet homme qui tient un fusil et qui a repris le contrôle des productions desquelles il était traité comme un rouage.

Encore une fois, il faut éviter une lecture trop romancée de la Révolution. L’égalités des couleurs reste un principe contesté à l’époque et le racisme n’en disparait pas pour autant. Le brevet d’invention utilise par exemple un terme raciste que je n’ai pas cité à dessein et qui était d’usage à l’époque.

Mais cette carte se suffit à elle-même. Les esclaves se sont libérés seuls et cette égalité acquise de haute lutte oblige au respect d’un principe fondamental de l’humanisme révolutionnaire : l’égalité des couleurs

Egalité des rangs

à venir

L’as, la loi au-dessus de tout

à venir…

Le joker

à venir

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